lundi 7 mars 2011

Pour revenir sur le gros sujet de la semaine...

Je pensais que j'allais pleurer en écoutant Tout le monde en parle dimanche soir, avec la belle et joviale Émilie Poirier (mais quel rire, mes amis !) qui présentait son spectacle de danse Les Gros. Le sujet me touche, pas besoin de le redire (on se souvient de la scène du Milkshake y'a deux semaines au Café-Théâtre de l'UQAM, c'est un sujet que j'exploite librement quand je crée). Finalement, j'étais juste excessivement heureuse. Ouin. Je sais que les maigres vont dire, mais nous aussi, on souffre! et je sais que ce n'est pas faux, je n'enlève pas aux maigres le droit d'être persécuté, écoutez, moi je veux bien partager le monopole des souffre-douleurs, y'en a pas de problème !

Je n'ai jamais été maigre, ni mince, ni même moyenne. J'ai toujours eu un surplus de poids. Je n'ai aucune idée de ce que ça peut bien faire, se regarder dans un miroir et être satisfait de ce qu'on y voit. Habituellement je me contente d'une grimace et je passe à autre chose. J'essaie d'attirer l'attention des gens sur le haut de mon corps, j'agis comme si j'étais une regular size, mais je vis toujours dans l'angoisse d'être rattrapée par ça, le plus souvent dans des moments anodins, dans un bar par exemple, quand on doit passer à travers un champ de chaises collées. Mes amies filiformes se faufilent sans crainte mais moi, je vis un calvaire. Un vrai de vrai. Impossible d'être discrète quand on traîne quelques deux-cent lbs de graisses sur soi. La collision avec les chaises est inévitable. On devra faire déplacer des gens parce que non, crisse, notre ventre et notre gros cul ne passent pas dans l'espace minuscule où viennent de se faufiler les amies filiformes.

Et il y aura des gens (mon ex lève la main) pour dire que c'est de notre faute si on est gros. Peut-être, je ne sais pas. J'aime trop manger pour rester bien longtemps au régime, j'aime trop boire de vin pour me priver plus que deux semaines. Des pâtés, du brie, des baguettes de pain, des pâtes au proscuitto, une bonne bouteille, fuck les bourrelets. Je devrais sans aucun doute faire plus d'exercice. Je devrais arrêter de manger un double-cheese-bacon-sans-cornichon en sortant des bars à 3hrs du matin. Ou une orgie de sushis dans des all you can eat. Ben oui, je le sais.




Si, au cours des dernières années, un paquet de circonstances plus ou moins agréables ont fait en sorte que je me sens programmée pour me juger négativement face à ce surplus de poids, il n'en reste pas moins que je suis profondément perturbée par l'existence de ces hommes qu'on nomme des FA, pour Fat Admirater. J'ai un haut le coeur en écrivant ses mots. Je ne comprends pas. Être gros, et c'est peut-être là l'influence directe de cet homme qui a partagé trop longtemps ma vie, mais être gros, ce n'est pas sain, ce n'est pas beau, ce n'est pas glorieux. J'ai appris avec les années à apprécier ma différence et à m'en réjouir, mais si on me proposait de troquer mon gros corps maladroit et peu gracieux pour un corps svelte et ordinaire, je n'hésiterais pas une seule seconde. Je me demande comment on se sent lorsque personne ne vous regarde dans la rue, dans le métro, dans la file d'attente aux toilettes, au resto. Je suis peut-être parano, mais je préfère croire que je suis lucide. Je suis passée maître dans l'art de dévisager en retour de parfaits inconnus qui semblent scandalisés par l'espace corporel que j'occupe.

Alors voilà, c'est peut-être ça le principal constat que cette vague de sensibilisation pour les grosses personnes m'a apporté : cesser de me qualifier comme étant uniquement une grosse personne, et chercher à rencontrer des gens qui verront au-delà de cette...montagne ?

Je n'ai pas pleuré en écoutant l'entrevue d'hier soir mais j'ai pleuré ce matin, suite à un commentaire sous un statut Facebook dévoilant mon nouvel adage (être belle, grosse et fabuleuse, quelque chose comme ça). Mon enseignante de troisième secondaire en français, Nadia, me dit : Amélie, tu es TELLEMENT plus que ces mots-là! Sincèrement!

Je ne serai jamais fière d'être grosse.
Je suis fière d'être différente.

7 commentaires:

  1. Jacinthe Lachance7 mars 2011 à 21:39

    Et moi je suis fière de te connaître. Ton texte est juste et vrai. ♥

    RépondreSupprimer
  2. Je te comprend. Surtout pour la partie : ''Des pâtés, du brie, des baguettes de pain, des pâtes au proscuitto, une bonne bouteille, fuck les bourrelets.''

    Ahhhh je ne pourrai jamais résister.

    RépondreSupprimer
  3. Amé. Je viens de découvrir ton nouveau blogue et : Wow. Je comprends beaucoup trop ce que tu décris comme ton calvaire. Entre gens différents, on se comprend. Mais tu me sembles être sur la bonne voie en écrivant ces mots, et je t'encourage à continuer d'écrire si cela peut t'aider. De toute façon, tu écris tellement bien! :)
    Et je suis TELLEMENT d'accord avec Nadia, moi aussi : tu es une personne extraordinaire.

    RépondreSupprimer
  4. Amélie, tu sembles brillante et charmante. Oublie ce que ton ex-copain te disait. Il n'y a peut-être rien de glorieux à être gros mais il n'y a rien de honteux non plus. C'est un trait physique comme un autre, tout simplement. Et tant pis pour ceux qui ne le comprennent pas.

    RépondreSupprimer
  5. Très bon texte. Je viendrai voir tes autres décortications de la vie toute nue bientôt!

    RépondreSupprimer
  6. Super bon, un texte simple mais remplie d'émotion, d'autant plus que j'me sens concerné

    RépondreSupprimer
  7. Être différent, comme tous les autres...
    Il faut croire que nous pouvons tous être fiers!

    RépondreSupprimer